Une décision rendue au Royaume-Uni entraîne l’irrecevabilité des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées devant les juridictions françaises en vertu du principe d'unicité de l'instance
Dans un arrêt du 6 mars 2024 (n°10-20.538), la chambre sociale de la Cour de cassation juge que le principe d’unicité de l’instance applicable aux litiges introduits devant une juridiction étrangère avant le 1 août 2016 fait obstacle à la recevabilité des demandes liées au même contrat de travail.
En l’espèce, un salarié ayant conclu un contrat de travail à durée indéterminée en droit français a été détaché à Singapour. Il est par la suite licencié pour faute grave pendant la période de son détachement. Afin de contester le bien-fondé de son licenciement, il saisit l’Employment Tribunal de Londres au Royaume-Uni, qui accueille sa demande mais réduit ses demandes d’indemnité conformément au droit anglais. Le salarié saisit alors le conseil de prud’hommes pour obtenir la condamnation de la société au paiement de bonus, de primes et d’indemnités afférentes à son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à des préjudices spécifiques. Le conseil de prud’hommes déclare irrecevable ces demandes du fait de l’autorité de la chose jugée.
La Cour de cassation, saisie de cette affaire, la renvoie devant la Cour de justice de l’Union Européenne. Par un arrêt du 8 juin 2023, celle-ci juge que l’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 s'oppose à ce que la reconnaissance en France d'une décision concernant un contrat de travail, rendue au Royaume-Uni, ait pour conséquence d'entraîner l'irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction française, au motif que la législation britannique prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales en France susceptibles de s'appliquer une fois cette reconnaissance effectuée. Or, en France, le principe de l’unicité de l’instance établit que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.
Dès lors, la Cour de cassation considère que, selon le principe de l’unicité de l’instance s’appliquant à l’instance introduite avant le 1er aout 2016, les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique.